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 ISSN 1556-4975

OffCourse Literary Journal

 Published by Ricardo and Isabel Nirenberg since 1998


 

"Le Baudelaire de Fondane", by Ricardo L. Nirenberg.

This essay appeared in the journal Seine et Danube Issue 02, 2004.

Baudelaire et l'expérience du gouffre est l'ouvrage ultime de Fondane dans les deux sens du mot — ou comme l'a écrit Jean Cassou dans sa préface, son ouvrage suprême.  Le poète et le métaphysicien confluant ici au plus haut, nous assistons à la rencontre du "roi des poètes" et de Chestov, père de la pensée philosophique, de ce qui est tò timiótaton, la chose la plus importante.  Il s'agit, pourrait-on dire, d'une mise en musique des Fleurs du mal, et la musique, ici, c'est le basse profond du gouffre, le souffle orageux de l'abîme.  Ce livre fut donc pour Fondane une mise en harmonie de toute sa vie, une sorte d'apologia pro vita sua, le couronnement d'un cheminement intellectuel qu'un public peu avisé aurait pu juger étrangement partagé, ou fatalement bifurqué, entre poésie et philosophie 1; .  Et finalement, ce fut aussi une somme — hélas inachevée, répétitive, souvent décousue — des réflexions de Fondane en tant que disciple de Chestov, d'études écrites durant les dix années précédentes portant sur Freud, Lévy-Bruhl, Bergson, Kierkegaard, "la conscience honteuse du poète" et bien d'autres sujets.

Ouvrage posthume, publié par Seghers, le Baudelaire de Fondane parut la même année, 1947, que le Baudelaire de Sartre chez Gallimard.  Celui-ci, essai de phénoménologie appliquée dont le surprenant résultat serait que "Baudelaire,  c'est l'homme qui a choisi de se voir comme s'il était un autre ; sa vie n'est que l'histoire de cet échec", connut au moins trente éditions en trois ans ; le livre de Fondane ne fut réédité qu'en 1972 et en 1989.  N'empêche que le Baudelaire du disciple de Chestov ait eu sur moi une influence incomparablement plus grande et durable, et si maintenant je le traite un peu durement, c'est que je ne prends le rôle du critique que pour remonter les pentes naturelles de mon esprit, en critiquant ce qui depuis longtemps est devenu moi-même.

Fondane commence par poser le problème : en quoi consiste l'originalité de Baudelaire et comment pourrait-on expliquer qu'il soit, de tous les poètes français, le seul qui plaît aux étrangers ?  A l'époque où Fondane commençait à écrire son livre, en 1941, ces problèmes étaient déjà anciens quoique pas encore résolus, et si souvent agités, qu'il était déjà difficile de trouver une grande figure littéraire française n'ayant produit une étude ou au moins quelques pages sur Baudelaire.  Proust 2; , Gide 3; , Valéry 4 , entre autres, avaient écrit les leurs.  T. S. Eliot avait rendu son hommage, lui, comme poète (dans The Wasteland), et comme critique dans un court essai de 1930 5 .  En 1927 l'ouvrage de Robert Vivier avait paru, intitulé, justement, L'Originalité de Baudelaire, une exhaustive analyse stylistique qui montre comment tous les éléments des Fleurs du mal, concernant aussi bien la technique que le contenu psychologique, ont été imités d'après d'autres poètes français ou anglo-saxons ; M. Vivier conclut que l'originalité de Baudelaire consiste en ceci : il a su choisir de quoi prendre et quoi laisser.  Conclusion sans doute juste, mais qui ne nous avance point, entendu que cela peut être dit de n'importe qui.

Sur l'ouvrage de Georges Blin, Baudelaire, publié en 1939 par Gallimard, nous devons nous attarder un peu plus longuement, et nous demander quelle influence il peut avoir eue sur Fondane.  D'abord, il n'est pas difficile d'imaginer sa réaction lorsque, dans la préface de Jacques Crépet il lut :
"Cela, tout cela [les contradictions du tempérament de B.], reconstruit selon les données de la vie comme de l'œuvre, et expliqué dans ses pourquoi et comment par un dialecticien aussi hardi que subtil, voilà l'étude qui nous occupe ici".  [Souligné dans le texte].
Il a dû trouver cela rebutant, lui qui s'acharnait à montrer, précisément, que rien de tout cela ne peut s'expliquer dans ses pourquoi et comment !  Et immédiatement après, dans l'Avertissement, le jeune Blin (âgé de vingt-deux ou vingt-trois ans) déclarait:
"Le lecteur ne s'étonnera point que nous donnions à notre étude une démarche et parfois un vocabulaire philosophiques.  Le sujet le voulait, l'auteur aussi".
Gare ! car voilà justement ce que Fondane, lui aussi, voulait faire : donner à son étude une démarche philosophique ; seulement, n'ayant lu que ces quelques pages, il humait déjà dans le livre du jeune normalien les développements ternaires de la dialectique de Hegel, et non l'amour chestovien de l'arbitraire ou le renversement de la raison.

En lisant plus avant, Fondane s'est aperçu, j'en suis sûr, de quelque chose d'encore plus grave.  Blin semblait avoir une vertu bien rare chez les jeunes : le goût de la mesure et le souci de l'équilibre.  Or, de tous les versants de Baudelaire, ce qui attirait surtout Fondane, c'était son goût de l'infini ; et pour lui "l'infini", mot vague et polysémique entre tous, voulait dire "l'extrême", seul lieu, d'après Chestov, où l'on peut trouver vérité et liberté, et tout le contraire de la mesure ou de l'équilibre, qui ne sont des vertus que du point de vue de la raison.  Son projet se dessinait de plus en plus nettement comme le contraire du livre de Blin.  Aussi, à la page 55 de son propre livre, Fondane écrira, sans toutefois nommer l'objet de sa critique :
"Le dernier en date de ses exégètes [de Baudelaire] écrit tranquillement : 'Baudelaire a le droit de signer son poème', droit qu'il refuse, par contre, aux romantiques".
En effet, on lit dans le livre de Blin, au début de la page 100 :
"Baudelaire peut signer son poème.  Le romantique n'en a pas le droit qui, instrument involontaire, ne sait pas s'il cherchait ce qui l'a trouvé".
Mais auparavant, à la fin de la page 98, Blin avait précisé :
"Si l'on nomme romantique le poète qui, se sachant tributaire de l'inconscient, s'y abandonne délibérément, Baudelaire n'est pas romantique".
Inconscient, Muse, ou simplement l'amour comme chez Dante 6;  , peut-être reviennent-ils au même.  Mais plutôt que Musset, Hugo ou Vigny, et certes plutôt que Dante, Blin avait en esprit les surréalistes et leur écriture automatique, puisqu'il les mentionne à plusieurs endroits.  Fondane cite donc son jeune adversaire hors du contexte et avec malveillance.

Cependant, Blin n'était encore qu'un adversaire mineur, relativement peu important.  Le style, la stratégie rhétorique, la personnalité même de Fondane avaient toujours besoin d'adversaires de grande envergure et de prestige : il les trouva en Gide, en Eliot, et surtout en Valéry.  Gide était une cible facile, car son essai "Baudelaire et M. Faguet", élégant quant au style, montre une extrême confusion dans les idées fondamentales.
"... C'est à la perfection de sa forme que Baudelaire doit sa survie.  L'artiste la doit-il jamais à rien d'autre ?"
déclare Gide (Pléiade, p. 249).  Et tout de suite il y introduit une distinction : il y a une perfection de la forme "toute latine, logique et qui se puisse expliquer.  C'est de cette perfection que s'est contentée trop souvent notre langue", et puis il y a une autre perfection de la forme "plus cachée, musicale déjà, mais comme à son insu", une "perfection secrète" qui est celle des poèmes de Baudelaire.  Or, Messires Gide et Faguet ont le droit de s'en tenir à la distinction aristotélicienne matière / fond et, si bon leur semble, ils peuvent discuter entre eux si Baudelaire doit sa survie à l'une ou à l'autre jusqu'à la fin du monde, mais prétendre qu'il y a une espèce de forme dont la perfection, musicale et secrète, telle une harmonie surnaturelle, ne se peut expliquer : cela non.  Car tout ce qui est formel, en tant que forme dégagée de la chose même, ressort de la pensée logique et mathématique ; que ce soit compliqué ou complexe, d'accord, mais on ne saurait dire que ce soit secret ou inexplicable.  Pour comprendre jusqu'à quel point la confusion régnait dans l'esprit de Gide en ce qui regarde l'aristotélicienne distinction, rappelons que vingt-six années plus tard, en URSS, il énonce son credo littéraire 7 : les littératures particulières de chaque pays doivent être : ""Nationale dans la forme, socialiste dans le fond", ainsi que le disait Staline".

Pour le reste, Gide coïncide avec Valéry : ce qui fait de Baudelaire un grand poète c'est le critique qu'il porte en lui.  Critique de ses propres textes, bien entendu.  C'est qu'il sait choisir, comme le disait Robert Vivier.  Gide cite Oscar Wilde : tout vrai artiste est un critique (en ce sens-là).  Mais cela n'explique rien, car cela ne dit rien sur Baudelaire lui-même, si toutefois cela dit quoi que ce soit sur les artistes en général.  N'est-ce, donc, rien qu'une phrase vide ou oiseuse ?  Pas complètement, car ce qui est impliqué par le mot "critique" ce sont les questions suivantes : jusqu'à quel point le poète (ou l'artiste) est-il ou devrait-il être, conscient de ce qu'il fait ?  Dans quelle mesure a-t-il besoin d'intelligence ?  C'est surtout cela qui concerne Fondane, pour qui la poésie devrait être, autant que possible, libre des conséquences funestes de la première désobéissance.  Fondane, ce me semble, tout comme Valéry ou peut-être comme Gide, prenait le mot "critique" dans un sens tout particulier, impliquant exclusivement des opérations totalement transparentes à la conscience.  Il y a là de quoi s'étonner, quand on cherche des exemples de telles opérations dans son esprit et on n'en trouve, au plus, que des affirmations du type "A = A" ou "Cogito ergo sum".  Un logicien ou un mathématicien ne prétendrait jamais trouver, ou avoir trouvé, la démonstration d'un nouveau théorème moyennant des opérations de l'esprit totalement transparentes à la conscience, comme Valéry prétendait que cela fut le cas pour la composition d'un poème.

De toute façon, aujourd'hui ces questions sur le degré de conscience propre au poète nous semblent saugrenues, et pour cause, car si l'on veut trouver des réponses il faudrait faire des expériences neurologiques, déterminer combien certaines régions du cerveau sont affectées pendant la composition ou la lecture de poèmes : très probablement y aura-t-il des variations considérables dans les résultats de poète à poète et de poème à poème.  Et à la fin on ne serait pas plus avancé qu'au début sur le plan esthétique, le seul qui importe ici, c'est-à-dire quant à la relation, si tant est qu'il y en a une, entre le degré de conscience de la composition et la valeur du poème.  Cependant, si sottes ou impertinentes que ces questions nous semblent maintenant, jadis elles occupaient les esprits et leur donnaient l'occasion de se battre.  Bien des pages du livre de Fondane sont un des champs de cette vieille et insensée bataille.

Je disais que Fondane choisit Valéry comme principal adversaire, et l'on comprend aisément pourquoi : le poète des Charmes se voulait le champion de la clarté et le prêtre de la transparence, un Descartes maniant la lyre aussi bien que le compas.  Valéry aimait bien poser en mathématicien : "faire le pitre", comme écrivait Fondane dans une lettre à Victoria Ocampo en mai 1940, lorsqu'il était soldat 8.  Le frisson que Valéry apportait aux lecteurs de sa poésie — et surtout de sa prose — n'était pas, certes, celui du gouffre ou des affres de l'infini ; non, c'était le frisson de la rigueur : pas nouveau, bien sûr, mais tout français.  Ce frisson-là, où l'on trouve ce qu'en anglais se dit "awe" — de la crainte mêlée d'admiration — face aux puissances de notre propre intellect, je ne crois pas que Fondane l'ait jamais connu.  Ou peut-être l'a-t-il subi et y a-t-il résisté comme les anachorètes devant les tentations de la chair.  On sait que pour Chestov le péché originel n'avait rien à voir avec la sexualité, mais tout à voir avec l'intellect et la connaissance ; selon Fondane, pour être bon poète, il faut être un peu "bête", et tant le maître que le disciple approuvaient fort le "s'abêtir" de Pascal, précisément parce que cela mène à la foi et partant au salut.  Admirer l'intellect humain, cet intellect éclopé d'après la Chute, ce serait, pour Chestov et pour Fondane, être aveugles au mystère, insensibles à l'infini qui nous sépare de la divinité, sourds au gouffre qui s'y creuse.  Fondane prend donc Valéry comme un auteur représentatif :
"Type parfait et orgueilleux de notre culture, Valéry se distingue parmi ses contemporains par une prise de conscience claire de ce qui chez eux n'est qu'à l'état de pure tendance".  (Fondane, Baudelaire, p. 17).
Cette tendance (par lui soulignée) n'est autre que l'esprit cartésien, et le but de Fondane 9 est de nous démontrer que Baudelaire, en tant que poète, est le champion de la lutte contre l'esprit Descartes-Valéry :
"[Baudelaire] ne proteste pas contre les entraves externes de l'esprit classique — règles, unités, vocabulaire, mais contre ses entraves internes : mesure, prudence, obéissance, sérénité".  (Fondane, Baudelaire, p. 46).
La sérénité, une entrave ?  Est-ce que cela a un sens ?  Peut-être seulement pour un esprit religieux ; pas pour un esprit religieux quelconque, mais pour celui dont le seul salut est de voir, de toucher Dieu : un dieu qui soit feu, éclair, orage.  On croirait, en lisant ces lignes-là, se trouver devant Pascal peut-être, mais surtout devant Chestov, plutôt que devant Baudelaire : il faudrait, en effet, bien caviarder le roi de poètes pour faire de lui l'ennemi des "entraves internes" telles que la sérénité ("Là, tout n'est qu'ordre et beauté, / Luxe, calme et volupté").  Mais c'est justement ce que veut Fondane, comme l'enfant qui veut de tout son cœur que ses parents soient en bienheureuse entente.  Le Baudelaire de Fondane est donc le résultat final d'une métaphysique, d'une stratégie rhétorique et d'opérations de découpage conscientes, aisées à dégager et à décrire, mais dont je ne puis donner ici qu'une ébauche.

D'abord, quant à la métaphysique, Fondane adopte sans plus la distinction aristotélicienne forme / fond, Gehalt / Gestalt, mais pour trancher sur la question de l'originalité de Baudelaire et de la situation de celui-ci dans son siècle et dans la culture, il introduit dans la vieille distinction un élément qui aurait étonné Aristote — et qui a de quoi nous étonner, nous qui aurions placé Fondane plus proche de l'existentialisme que de l'essentialisme prôné dans les lignes que voici :
"Il n'y a que la manière de dire qui fait l'objet de la culture ; la matière à dire n'est pas de son ressort.  Et Baudelaire, je le répète (et on s'en est justement étonné) ne suscite guère de difficultés à la manière ; il l'adopte même, presque aveuglément.  Il sent d'instinct (et le rôle de l'instinct est, chez lui, d'une extrême importance) qu'une révolution dans le langage et le métier se doit de toucher peu à la matière et veut sa banalité ; mais qu'en revanche, une révolution dans la matière du poème exige la banalité de la forme.  Bien peu de révolutions profondes ont coïncidé sur les deux plans à la fois".  (Fondane, Baudelaire, p. 47 ; c'est lui qui souligne).
Quel est cet absolu qui ne dépend point de la culture, nouveau, profondément révolutionnaire, qui fait la matière de la poésie de Baudelaire ?
"Mais, à la veille de sa mort ... [Baudelaire] s'est enfin habitué à l'expérience effrayante dont il est le siège.  Lentement il prend conscience de son absolue nouveauté, au point qu'il s'accoutume à considère cette nouveauté du dehors, comme un objet posé devant lui.  Et voilà qu'il découvre les 'procédés' qu'elle a utilisés pour se transformer en poésie, etc."  (Fondane, loc. cit. p. 59 ; c'est lui qui souligne).
Et à la page suivante (ici encore c'est lui qui souligne) :
"On attribuait au temps, à l'époque, à l'histoire, à n'importe quoi en somme, une expérience religieuse et poétique absolument personnelle et, par là, ex-temporelle".
Comment une "expérience ex-temporelle" pourrait-elle être d'une "absolue nouveauté" ? Sommes-nous forcés de conclure que Fondane veut signifier par là que Baudelaire fut le premier (en français ?  en n'importe quelle langue ?)  à poétiser cette expérience effrayante ?  Mais si cette expérience fut "absolument personnelle", quel sens pourrions-nous trouver dans ces mots : "le premier" ?  Et ce qui est plus grave, peut-on poétiser, ou simplement communiquer, une expérience "absolument personnelle" ?  Peut-être Fondane abuse-t-il un peu du mot "absolu" et de ses dérivés ?  Il y aurait encore des questions à poser sur ces deux brefs paragraphes du Baudelaire de Fondane ; l'espace nous manque, mais je voudrais retenir spécialement l'implication logique : "absolument personnelle et, par-là, ex-temporelle".  Nous y reviendrons plus tard.

Mais auparavant, pour ne plus prolonger le suspense, disons quelle est cette expérience effrayante qui, d'après Fondane, serait "la matière" des poèmes de Baudelaire : il s'agit de l'expérience que porte le titre du livre, celle du gouffre.  Or, nous connaissons la pièce de Baudelaire portant ce titre, et qui commence : "Pascal avait son gouffre, avec lui se mouvant", sonnet où règnent la peur et le vertige, et dont le dernier vers se prête à maintes interprétations.  C'est le même gouffre, semble-t-il, que celui de la note de Baudelaire du 23 janvier 1862, et qui appartient à la série Hygiène des Journaux intimes 10< : le trou noir qui fait peur et donne le vertige.  Mais il y a aussi le "gouffre interdit à nos sondes" du Balcon, où loin de susciter la peur ou le vertige, tout en étant profond cet autre gouffre permet d'espérer la renaissance du bonheur enfantin.  Au moins deux gouffres donc chez Baudelaire, et fort différents.  Chez Fondane, comme on pouvait l'espérer, les apparitions du gouffre sont multiples.
"Le gouffre n'est, ici, que le réel de plus haut, dont on s'évade".  (Fondane, Baudelaire, p. 104).  "Le culte de l'art pour l'art ... est une terrible lutte enterprise sans espoir ... pour une réalité qu'il sait fausse, afin d'écarter la seule chose qu'il exècre, mais qu'il tient pour réelle : le Gouffre".  (Page 105).   "Ces actions n'ont d'attrait que parce qu'elles sont mauvaises, dangereuses ; elles possèdent l'attirance du gouffre".  (Page 161-2 ; c'est Fondane qui souligne)
Le gouffre apparaît encore aux pages 181, 184, et à la 210, où il semble signifier simplement le mal et l'ennui, et à la page 212 : "[les] Fleurs du mal, ... un discours délibéré sur les révélations communiquées par le gouffre".  Mais le gouffre comme tel n'est spécifiquement traité par Fondane que dans son chapitre XXI, pages 225-231.  Examinons ce qu'il y écrit sur le sujet qui est sans doute le plus central du livre.

Les deux quatrains du sonnet "Le Gouffre" précédent le chapitre, et puis on lit :
"On s'aperçoit bien par ces vers du poème intitulé Le Gouffre, que Baudelaire n'hésite guère à confondre son gouffre avec celui de Pascal et nous invite à faire de même".  (Page 225).
D'abord, le gouffre du sonnet baudelairien est déclaré dogmatiquement et sans plus le (seul) gouffre de Baudelaire, ce qui exclut tout autre aspect, toute autre possibilité (le gouffre du Balcon, par exemple 11) ; en fait, Fondane avait une opinion négative sur le Balcon, dont il dit que "si Baudelaire n'avait écrit que des poèmes de ce goût... nous aurions eu un excellent poète, mais, certes, pas Baudelaire" (p. 64).  Ce ne sont là, ajoute-t-il, que "de purs désirs, de gracieuses mélancolies et de nobles désespoirs" 12.  Opinion étonnante voire incroyable, si on se souvient du parfum entêtant, de la lumière rose et de la tiédeur douce qui imprègnent ce beau poème dont le tout premier mot est "Mère" — "Mère des souvenirs, maîtresse des maîtresses" : cet Œdipe mélodieux et impénitent me semble bien plus choquant, bien plus infernal, que n'importe quoi d'autre chez Baudelaire.  Mais peut-être doit-on rappeler que Le Balcon était le poème favori de Valéry, et je préfère croire que là-dessus Fondane était mu par son animosité envers Valéry plutôt que par son sens critique.  Quoi qu'il en soit, d'après Fondane, il faudrait identifier le gouffre de Baudelaire, qui est celui du sonnet de ce nom, avec le gouffre de Pascal.  Pourquoi ?  Parce que (nous dit Fondane) Baudelaire fait cette identification et nous invite à faire de même.  Je crois que ce n'est pas si clair, et qu'on peut lire autrement ces premiers vers :
"Pascal avait son gouffre, avec lui se mouvant.
— Hélas ! tout est abîme, — action, désir, rêve,
Parole !"

Mais admettons que Fondane ait bien lu : dès lors la question s'impose : que sait-on, au juste, du gouffre de Pascal ?

Pascal, lui, ne parle point de "gouffre" et encore moins d'un gouffre qui se mouvait avec lui 13, quoiqu'il parle très souvent d'"abîme" et d'"infini".  L'abîme donc, de Pascal, en quoi consiste-t-il ?  Le lieu classique pour trouver une réponse à cette question — Fondane le sait bien — c'est la Pensée qui porte le titre : "Disproportion de l'homme" 14.  Du double abîme du tout et du néant, de la double infinité de la nature, en grand et en petit — double abîme qui se reflète dans nos sciences, car nous sommes aussi incapables de saisir l'infinité des propositions de la géométrie que de comprendre ses fondements — Pascal conclut que l'homme, être moyen, suspendu entre ces deux infinis, veut connaître, mais ne peut rien connaître avec certitude.  "Voilà notre état véritable ; c'est ce qui nous rend incapables de savoir certainement et d'ignorer absolument".  Voilà quant au "gouffre" de Pascal.  "Mais la pensée de Baudelaire ne porte nullement sur les problèmes de l'assurance et de la certitude.  Que lui révèle donc son gouffre ?", se demande Fondane à la page 226.  Et voici, si j'ai bien compris, sa réponse.

Baudelaire se pencha sur le métier poétique, nous dit Fondane (p. 226), et découvrit
"ce qui avait échappé jusque-là à l'observation, que la poésie n'était pas un élément "sauvage", qu'elle aussi était un produit d'élaboration constante et que, depuis le temps, elle aussi était porteuse de certitudes et d'assurances, etc."
Cet "aussi", quatre fois répété dans l'espace d'un paragraphe, veut signaler un parallèle entre poésie et mathématiques : les mathématiques portent leur certitude ; eh bien : la poésie aussi.  Pascal, dans sa Pensée "Disproportion de l'homme", nous dit que la certitude des mathématiques n'est qu'apparence : elle n'est pas vraie.  Mais qu'est la certitude de la poésie, d'après Fondane ?  Justement (page 227), que
"La poésie n'a rien à partager avec le vrai, qu'elle est une expérience "systématiquement fausse" et ne doit transgresser les règles de ce "faux", sous peine de sortir de sa propre vérité — qui est du faux — et de faillir à sa définition".
Lecteur, si tu flaires ici un sophisme du type "un Crétois dit que tous les Crétois mentent", je ne puis t'en vouloir.  Toutefois, nous assure Fondane, à un certain point Baudelaire trouva cette définition de la poésie peu satisfaisante (est-ce merveille ?), et alors toutes ses certitudes et convictions sur la poésie s'ébranlèrent.  Voilà le gouffre que Baudelaire partageait avec Pascal, d'après Fondane.
"Et ce gouffre, c'était la soudaine vision que leur convictions — les plus fermes, les plus assurées — étaient sans fondement et qu'il fallait, sans le pouvoir cependant, renoncer à elles, qu'on était soumis à une espèce d'envoûtement et que le monde est inexplicable sans l'hypothèse de cet envoûtement".  (Page 229).
Par la suite, Fondane cite deux fragments de Pascal.  L'un, où il est question d'un "assoupissement surnaturel" qui empêche de connaître la vérité.  Il s'agit, en effet, de la Pensée "De la nécessité du pari" 15 ; mais, ce que Fondane ne nous dit pas, c'est que Pascal parle ici des hommes qui sont indifférents au péril d'une éternité de misères : ce sont eux qui souffrent d'un "assoupissement surnaturel" et non, Dieu merci, Pascal lui-même, ou du moins pas ici.  Ensuite, pour nous dire pourquoi le monde serait inexplicable sans l'hypothèse de cet "envoûtement", Fondane cite-t-il in extenso une autre Pensée de Pascal (no. 434) : "Certainement, rien ne nous heurte davantage que cette doctrine ; et cependant, sans ce mystère, le plus incompréhensible de tous, nous sommes incompréhensibles à nous-mêmes".  Mais il s'agit ici — il faut le dire puisque Fondane ne le dit pas — de la doctrine du péché originel.

En somme, ce "gouffre" que, d'après Fondane, Pascal partage avec Baudelaire, semble se composer de deux parts : la conscience d'un manque de fondement dans nos convictions les plus élémentaires, et, d'autre part, la conscience d'un "envoûtement" — vraisemblablement résultat du péché originel — sans lequel le monde est inexplicable.  Ce gouffre-là, pourrait-on objecter, est un monstre à deux têtes opposées, comme l'amphisbène.  En effet, la croyance au péché originel et à ses conséquences durables, le "fait" que l'homme est une créature déchue, a longtemps donné un fondement assez solide à la version chrétienne du monde.  Mais justement, pourrait-on répondre, le branle de toute assise joint à la survie toute précaire de la croyance médiévale, voilà l'opposition qui fait de Pascal comme de Baudelaire des personnalités capitales de la modernité.  C'est possible.  De toute façon, je ne trouve pas l'explication de Fondane convaincante en ce qui concerne Baudelaire : je ne crois pas que celui-ci ait jamais pensé que la poésie doit être toujours menteuse 16 , ni que le constat que la poésie pourrait-elle dire quelquefois la vérité l'a ébranlé.  Son "expérience effrayante", son gouffre, s'il en est un, était d'une toute autre nature.

Encore un mot sur la métaphysique de Fondane.  Si on réunit quelques-unes de ses affirmations frappantes — je pense à "le gouffre n'est, ici, que le réel plus haut, dont on s'évade", à "absolument personnel, et par-là ex-temporel", que j'ai citées, mais aussi à tant d'autres parsemées un peu par tout —, si l'on réfléchit à tout cela, on ne peut moins que flairer l'hérésie.  Je parle de l'haeresis perennis que d'habitude on appelle "gnosticisme" et qui, toujours officiellement supprimée, renaît à chaque fois dans la poésie européenne 17.  Fondane avait écrit sur les gnostiques quand il était encore en Roumanie ; peut-être a-t-il subi l'influence gnostique à travers l'hassidisme : en tout cas, la question mérite une étude.  Quant à Baudelaire, cela m'étonnerait si personne n'a pas encore posé et peut-être étudié la question de l'influence gnostique chez lui ; je notais dans un article antérieur 18 que le texte le plus longuement commenté par Fondane est "Le Joujou du pauvre", où je crois déceler des motifs de la Gnose ; notons ici le fragment XX de Mon Coeur mis à nu, d'évidente filiation gnostique 19 .  Mais tout cela dépasse de loin les bornes de cet essai ; ici donc je me limite à suggérer que le gouffre de Baudelaire, "l'expérience effrayante dont il est le siège", n'est point d'une "absolue nouveauté" comme dit Fondane (page 59), qu'elle n'a rien à voir avec la fausseté ou la vérité de la poésie, mais qu'elle a ses racines lointaines dans l'humus gnostique.  Baudelaire, nous dit Fondane, découvrit son gouffre en se penchant sur son métier ; je n'en crois rien, mais cela me rappelle une vieille histoire gnostique, et celle-ci, ce me semble, touche de bien plus près au gouffre baudelairien.  La voici : lorsque le Christ monta aux cieux, sitôt arrivé, il se pencha sur le gouffre qu'il venait de traverser, et, reflété dans les eaux profondes, il vit son propre visage, qui lui sembla très beau et qui était celui de Satan.

Passons pour finir aux stratégies rhétoriques de Fondane et à ses opérations de découpage.  J'ai déjà mentionné son style agonistique, son besoin d'adversaires prestigieux, sa polémique contre Gide et Valéry : il faut y ajouter Eliot à qui Fondane reproche d'avoir écrit que, confronté au Dante, Baudelaire n'est qu'un gâcheur (page 87 et passim).  Michaël Finkenthal a étudié "la rencontre manquée" entre le poète d'Ulysse et celui du Wasteland 20.  J'en conviens avec Finkenthal : si seulement Fondane avait prêté l'oreille, les deux poètes auraient peut-être trouvé bien des coïncidences entre eux.  Mais, à mon avis, tous ces manquements étaient voulus : en effet, Fondane se voulait poète-philosophe in partibus infidelium, différent de ceux qui croyaient à des dieux autres que Chestov.  Vers la fin de sa vie, le style de Fondane est celui du polémiste religieux, du propagandiste de quelque nouvelle foi, plutôt que celui du clerc ou du lettré.  Cela est particulièrement évident quand on voit sa façon d'agir avec tout ce qui chez Baudelaire lui semble inacceptable.  Par exemple ces "purs désirs, gracieuses mélancolies, nobles désespoirs", mais si on ouvre au hasard les écrits critiques de Baudelaire, l'on trouve des propos qui sont ou qui seraient aussi inacceptables pour Fondane :
"Je marcherai appuyé sur l'analyse et la logique, et je prouverai ainsi que tous les sujets sont indifféremment bons ou mauvais, selon la manière dont ils sont traités ..."
"...ce grand résultat d'établir définitivement la condition génératrice des œuvres d'art, c'est-à-dire l'amour exclusif du Beau, l'Idée fixe."
"C'est un des privilèges prodigieux de l'Art, que l'horrible, artistement exprimé, devienne beauté, et que la douleur, rythmée et cadencée, remplise l'esprit d'une joie calme", etc. etc.
Comment Fondane réagit-il ?  Ainsi (page 57) :
"Autre chose est ce que Baudelaire aime, et comprend et chante, autre chose ce qu'il proclame être le vrai et le beau".
Et pourquoi, d'après Fondane, cet écartement, ce gouffre dirions-nous, entre ce que Baudelaire écrit en critique et ce qu'il ressent ?  Pour des raisons tactiques, sachant ce que la société et l'orthodoxie espéraient de lui ; "pour se faire pardonner", insiste Fondane un peu partout.  On pourrait difficilement appeler cela de l'herméneutique au sens laïque du terme ; en revanche, on trouve cette stratégie rhétorique très souvent chez les anciens théologiens.  St. Irénée, évêque de Lyon vers la fin du deuxième siècle, avait plusieurs choses en commun avec Fondane : tous deux venaient de l'Est (Irénée de l'Asie Mineure), tous deux demandent d'abord l'indulgence du lecteur pour le non fini de leurs œuvres — Fondane à cause de la guerre, Irénée parce qu'il se trouvait en Gaule, pays de langue barbare —, et il se peut qu'Irénée ait fini sa vie en martyre, comme Fondane.  Le livre d'Irénée, Contre les hérétiques, portait comme titre original (en grec) : "Réfutation et renversement de ce qui est faussement appelé connaissance" ; si ce n'est par la longueur, cela pourrait passer pour titre d'un livre de Chestov ; cependant il s'agit ici d'une description et d'une réfutation des doctrines gnostiques, surtout celles de Valentin et de ses disciples.  Eh bien, quand Irénée trouve quelque endroit où ces gens là sont d'accord avec l'orthodoxie, il met ses ouailles en garde : Quand ces hérétiques parlent en orthodoxes, ce n'est point ce qu'ils pensent ; ils ne le font que pour se faire pardonner !

Je ne dis pas que cette méthode d'interprétation, fort ancienne 21 et qui n'est autre que la méthode chestovienne de pénétrer dans l'âme du parlant derrière et même en dépit de sa parole, soit toujours illégitime.  Mais elle requiert cette condition tout à fait nécessaire, que les deux âmes, celle du parlant et celle de l'interprète, soient amies, telles deux pendules couplés qui oscillent ensemble et ne s'amortissent pas.  Ce n'est pas le cas d'Irénée et de Valentin, et ce n'est pas le cas, non plus, de Baudelaire et de Fondane.  Pour le poète des Fleurs du mal, les deux qualités nécessaires à l'écrivain sont le surnaturel et l'ironie : c'est sur celle-ci qu'il faut porter, pour quelques moments finaux, notre attention.  L'ironie de Baudelaire est un orgue à registres multiples où il joue des fugues à six voix ; chez Fondane l'ironie est bien plus étroite, jamais sans quelques gouttes de fiel, souvent au bord du sarcasme.  J'ai déjà signalé que Fondane ne connaît pas le sentiment intellectuel d'admiration (awe) face aux pouvoirs de l'intellect.  Il est un registre de l'ironie que je ne trouve jamais chez lui, c'est justement quand l'intellect se chatouille, se taquine, s'éraille ou se raille lui-même : sans cela, à mon avis, on ne peut interpréter Baudelaire comme il le mérite.  Mais pour cela, il faut que l'esprit se divise, tout en restant le même.  Comme le prince dans son parc et l'enfant pauvre au rat vivant du conte baudelairien, ou le Christ et le Satan du mythe gnostique.  Ces opérations de dédoublage n'étaient point du goût de Fondane : peut-être lui étaient-elles impossibles.  Le quêteur d'absolu, l'esprit tendu vers l'infini, celui qui cherche la foi en gémissant, sent le danger du doute, de la dipsychía 22 , les pièges du Zweifel, of the double mind.  Il se meut au bord de l'abîme sans tourner la tête, raide, comme sur le légendaire tranchant de rasoir.  Je me souviens quand même avoir lu une interview avec le musicien Alfred Brendel où il citait un mot d'Heinrich von Kleist : "Une fois que la perception a passé à travers l'infini, la grâce réapparaît".

 


Notes:

1. A la page 228 de son livre, Fondane écrit, à propos de Baudelaire mais évidemment aussi, et surtout, à propos de lui-même: "C'est précisément pour pouvoir demeurer poète — et non pas philosophe — qu'il fallait devenir philosophe et combattre ..."

2. Nouvelle Revue Française, 1921.

3. Nouvelle Revue Française, 1910 ; repris dans Prétextes ; et "Baudelaire et M. Faguet", Morceaux choisis, Paris, 1921, et le volume de La Pléiade : André Gide, Essais Critiques, 1999, pages 245-256.

4. "Situation de Baudelaire", Nouvelles littéraires, 1924 ; introduction à l'édition des Fleurs du mal, Paris, 1928 ; repris dans Variétés II, Gallimard, 1930.

5. Selected Essays, New York, 1950 (First Edition : 1932), pages 371-381.

6. "I' mi son un che, quando / Amor mi spira, noto, e a quel modo / ch' e' ditta dentro vo significando" (Purg. XXIV, 52-54).

7. André Gide, Essais Critiques, page 892.

8. Pour les lettres de Fondane à Victoria Ocampo, voir mon article dans les Cahiers de la Société Fondane, no. 1, Automne 1997.

9. A l'opposé de Walter Benjamin, qui écrivait en 1939 : "[Valéry] stellt sich damit als der einzige Autor dar, der unmittelbar auf Baudelaire zurückführt" ("Valéry se dégage donc comme le seul auteur qui revient directement à Baudelaire"), Walter Benjamin, Illuminationen, Suhrkamp, Frankfurt a. M., 1961, p. 207.

10. Tiré de Baudelaire, Œuvres complètes, Gallimard, 1975,  I, p. 1115.

11. Cependant le gouffre du Balcon est beaucoup plus près du sens qu'on pourrait appeler "originel" (celui du kólpos grec) que le gouffre du sonnet baudelairien ; j'ai parlé de cela dans une exposé au colloque de Cosenza (1999) consacré au Baudelaire et l'expérience du gouffre de Fondane.

12. "Les purs Désirs, les gracieuses Mélancolies et les nobles Désespoirs qui habitent les régions surnaturelles de la poésie": cette allégorie au sourire ironique se trouve dans les Etudes sur Poe, Baudelaire, Œuvres Complètes, II.  p. 334, et encore dans Théophile Gautier [I], loc. cit., p. 113-4.   Fondane utilise cette phrase (omettant les majuscules) comme une ritournelle péjorative (Fondane, Baudelaire, pages 41, 62, et passim).

13. Le "gouffre" que Pascal aurait porté avec lui ne se trouve pas dans Pascal mais dans Sainte-Beuve : voir encore Baudelaire, Œuvres Complètes, I. p. 1115.

14. Il s'agit du fragment no. 72 de l'édition de Brunschvicg.

15. Fragment no. 194 dans l'édition Brunschvicg.

16. Fondane cite souvent Platon et Aristote au sujet de la poésie menteuse ; c'est curieux qu'il semble avoir oublié le côté juif : Josèphe parle plusieurs fois (Antiquités judaïques, II, 16, 4 ; IV, 8, 44 et VII, 12, 3) des poèmes de Moïse "en hexamètres" et des cantiques de David "en trimètres et pentamètres", dont la vérité est hors de doute.  St. Jérôme et Eusèbe de Césarée prirent plus tard comme justification du métier poétique.  J'ai emprunté ces renseignements à l'article de María Rosa Lida de Malkiel, "Perduración de la literatura antigua en Occidente", Romance Philology, V, 2-3, 1951-52.

17. Voir, par exemple, le livre de A. D. Nuttall, The Alternative Trinity : Gnostic Heresy in Marlowe, Milton, and Blake, Oxford, 1998.

18. "Le Joujou gnostique", l'exposé que j'ai mentionné dans la note 11 et dont la parution, malheureusement, semble être renvoyée aux calendes de la Grande-Grèce.

19. Baudelaire, Œuvres Complètes, I., p. 688-9 ; la note sur ce fragment-là, à la page 1499-1500, est un essai tout orthodoxe de blanchissage, que nous n'aurions pas cru nécessaire à notre époque !

20. L'article de Finkenthal est publié dans ce même numéro de Seine et Danube.

21. La méthode "allégorique" d'interprétation chez Platon, par exemple : voir Andrew Ford, The Origins of Criticism, Princeton, 2002, pages 85-89.

22. Double âme ou esprit ; Epître de Jacques, 1, 8.


Ricardo L. Nirenberg is an editor of Offcourse.



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